Génération épicurienne et écoresponsable
Récoltant-coopérateur amoureux de son terroir, élaborant ses propres cuvées pour les valoriser vers des marchés diversifiés, adepte de la mutualisation du matériel, certifié Haute Valeur Environnementale et Viticulture Durable en Champagne : à 34 ans, Simon Rion coche les bonnes cases d’une relève vigneronne ancrée dans la modernité, responsable et pragmatique.
«Je n’ai pas vraiment ressenti de vocation dans ma jeunesse pour nécessairement reprendre le domaine familial et devenir vigneron. En fait, j’ai appris à découvrir et à aimer le métier de la vigne au fur et à mesure des années, avec l’expérience. La passion du vin m’est venue encore après », explique le jeune homme installé à Courmas, une commune viticole de la Montagne de Reims, entre Vesle et Ardre.
C’est en 2007, alors qu’il termine ses études au Centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) d’Avize, que le décès de son père Pascal le précipite à la tête de l’exploitation.
Héritier d’une tradition familiale, comme souvent en Champagne, Simon incarne la quatrième génération sur le domaine de 2,14 hectares où il cultive les trois principaux cépages champenois.
Son grand-père Guy, un des fondateurs de la coopérative viticole du village, puis son père qui y était responsable de la vinification, lui ont donné le goût de la coopération et du collectif. À ce jour, la coopérative de Courmas-Bouilly-Saint Euphraise s’étend sur 40 hectares et représente 85 adhérents pour une production de quelque 50 000 bouteilles par an.
Des vins assez robustes à forte typicité
« Comme mon père, je m’occupe de la vinification à la coop depuis 2017. À l’échelle de mon exploitation, le système coopératif est parfaitement adapté dès lors que je peux isoler mes jus pour élaborer mes propres cuvées », précise-t-il.
L’idée de faire du vin ne lui est pas pour autant venue tout de suite : « Vers 2011, j’ai ressenti une certaine lassitude à ne produire et ne livrer que du raisin et c’est là que j’ai commencé à m’imaginer vigneron. Grâce à des discussions avec des collègues, notamment mon pote
Mickaël Rodez (fils d’Éric Rodez, NDLR), j’ai progressé dans la vinification et j’ai découvert le passage en fût. Maintenant, je produis quelques cuvées parcellaires dans ma gamme et je viens de sortir deux nouvelles cuvées numérotées à 495 exemplaires chacune : un 100 % Meunier et un 100 % Chardonay du millésime 2018, vieillis en fûts de chêne et dosés à 1 g/l. Ce sont des vins non filtrés sur lesquels j’interviens très peu. J’aime bien l’idée d’aller isoler une parcelle et de la travailler jusqu’au bout. »
Son style de vin préféré ? « J’aime plutôt les champagnes vineux, des vins de gastronomie. Déjà, mon BSA est composé de 40 % de vin de réserve perpétuelle issue des mêmes assemblages remis en cuve d’année en année et de 60 % de vin de l’année avec 50 % de Meunier, 30 % de Pinot noirs et 20 % de Chardonnay. En fait, la cuvée se nomme « Origine », car ces assemblages qui alimentent la réserve perpétuelle étaient ceux déjà établis par mon père et mon grand-père. »
Dans sa gamme, un deuxième BSA « Réserve « avec un dégorgement tardif, est élaboré avec la vendange 2010 et développe des arômes plutôt tertiaires.
Toutes ses cuvées sont peu dosées, la plupart du temps en extra-brut, avec une liqueur maison pour parfaire le style Rion.
« Le terroir de Courmas est argilo-calcaire, ce qui donne des vins assez robustes à forte typicité. Avec le temps, j’ai appris par les bons assemblages à rendre à mes champagnes, notamment le blanc de noirs, une touche de tension et d’élégance », note-t-il.
Prise de conscience
Quand il a débuté la commercialisation, Simon a écumé quelques salons des vins, « mais c’était cher et le rapport avec la clientèle ne correspondait pas trop à ce que je cherchais ». Alors il s’est professionnalisé, il a défini sa politique commerciale en consultant notamment les services export du Syndicat Général des Vignerons et établi une grille tarifaire avec des prix pour les professionnels français et étrangers. « J’ai également produit des fiches de dégustation et j’ai revu mon marketing sur mes bouteilles avec des étiquettes et contre-étiquettes adaptées. Maintenant je travaille de plus en plus avec des importateurs. Mon marché export, principalement dans les pays frontaliers, représente presque la moitié de ma production. Et j’entretiens le lien grâce aux réseaux sociaux. »
S’il ne revendique pas le statut RM sur ces cuvées, « c’est pour éviter les surcharges administratives qui sont déjà bien chronophages, note-t-il. Je travaille avec beaucoup d’importateurs et de professionnels du vin qui sont à l’écoute de ce qu’on fait et donc les cases RM, RC, ou autres, ce n’est pas ce qui fait la différence. Ce qui compte est dans la bouteille ».
Comme l’ensemble des professionnels de la filière, Simon a vu ses ventes progresser sur les marchés extérieurs au deuxième semestre 2021, alors que la crise sanitaire levait le pas. « On sent un vrai engouement pour les champagnes de vignerons en dehors de nos frontières ; on aimerait que le marché national suive le même exemple », estime le vigneron. Dans les prochaines années, pour développer encore ses ventes, il pense participer au salon international WineParis sur le stand collectif Champagne de Vignerons du SGV.
Coté viticulture, Simon Rion fait partie de cette génération de champenois pour qui la préservation de l’environnement est une évidence, voire une priorité. « Dans un premier temps, j’ai perpétué la tradition familiale qui était assez conventionnelle et c’est en faisant du vin que j’ai repensé à mon travail de viticulteur. La naissance de ma première fille a été également l’occasion d’une prise de conscience supplémentaire. J’ai donc décidé de pratiquer une viticulture plus respectueuse de l’environnement et raisonnée. Je n’utilise plus d’herbicide depuis 2018 et pas d’insecticide, mon vignoble est certifié HVE et VDC depuis 2019. J’ai même tenté le bio en 2021, mais ce n’était clairement pas l’année pour le faire. De toutes les façons, je tiens à garder une certaine liberté d’action pour préserver ma récolte en cas de besoin », explique le jeune vigneron qui mise beaucoup sur le développement prochain des produits de biocontrôle.
Autre pratique vertueuse, Simon a mutualisé son matériel avec son cousin qui exploite deux hectares également à Courmas. « Mettre en commun représente non seulement une source d’économies, mais c’est aussi à mon sens, une avancée sociétale. C’est aussi cela avoir l’esprit de la coopération. »
Article issu de la Champagne Viticole. Retrouvez tous leurs portraits en cliquant ici.