Charles-Henri Dupont, l’identité du terroir
Héritier d’une longue lignée de paysans viticulteurs qui ont façonné la terre de Vertus, Charles-Henri Dupont ajoute l’élaboration du champagne et sa propre marque à l’histoire familiale. Des vins francs et racés qu’il aime à produire selon une viticulture durable et respectueuse de l’environnement.
Dans son arbre généalogique, on retrouve des traces de pratiques vigneronnes depuis le XVIIe siècle. Près de six générations de polyculteurs du côté maternel ont laissé leurs empreintes sur le sol vertusien. Mais c’est au grand-père de Charles-Henri, Pol Haumont, que la famille doit l’actuel domaine. En 1949, il fonde avec ses confrères vignerons la coopérative vinicole de Vertus, creusant à la main les premières caves et commence à étendre l’exploitation viticole familiale en remplaçant pâtures et vergers par des vignes. Aujourd’hui, l’exploitation compte huit hectares que Charles-Henri partage avec son frère depuis le récent départ en retraite de sa mère.
« Je me souviens bien de mon grand-père, explique-t-il, c’était une forte personnalité, un homme de la terre et quand vers 14 ans il m’emmenait aux vignes, il fallait suivre sa façon de tailler : rien à voir avec celle qu’on apprenait aux concours de taille. Il passait ses journées dans son vignoble et de temps en temps, le week-end, il sortait la voiture qu’il avait lavée la veille pour faire une balade avec ma grand-mère. D’ailleurs, elle était de la même trempe que lui : on m’a raconté que deux jours avant de donner naissance à ma mère, elle tirait encore la bobine de fil de fer dans les vignes. »
Comme pour beaucoup d’ados des villages viticoles, épauler ses parents l’été pour poser des agrafes ou passer la cisaille était un exercice obligé plus ou moins enthousiasmant. C’était plutôt moins pour Charles-Henri qui cherchait encore sa voie. « Comme je me plaisais moyennement au collège, mes parents m’ont envoyé à l’internat de la Maison Familiale Rurale de Gionges. Nous devions suivre des formations en alternance chez des vignerons, mais en dehors du cercle familial. Et il fallait apprendre la vinification, ce qui a été déterminant pour moi », se souvient-il. Un passage à Bourgueil, puis pour le bac pro dans un domaine du village viticole allemand de Leiwen où il vinifie des mousseux et des vendanges tardives : « C’est là que la passion du métier m’est venue, par la vinification, l’œnologie, et le côté gastronomique. Et comme j’ai envie de tout maîtriser, j’ai découvert l’importance du travail de la vigne. Et depuis, ce plaisir de la viticulture qui aboutit à l’élaboration du vin ne m’a jamais quitté. C’est vraiment le monde du vin qui m’a permis de comprendre celui de la vigne. »
Des bonbons acidulés
À la coopérative de Vertus, Charles-Henri sépare les moûts de tout son parcellaire pour valoriser les micro-terroirs des coteaux de Vertus. Jusqu’à présent, il commercialisait essentiellement pour des particuliers quelque 5 000 bouteilles en tant que RC et également RM avec une cuvée parcellaire issue de vignes converties en bio depuis 2017.
« La retraite de ma mère me permet d’agrandir mon domaine : on va monter en puissance et commencer à faire des tirages aux alentours des 10 000 bouteilles. Il va falloir également préparer des salons professionnels et envisager des actions à l’export pour développer notre marché », note-t-il plutôt confiant dans l’avenir des champagnes de vignerons, dont la cote ne cesse de s’affirmer notamment vers les marchés d’exportation.
Son type de champagne idéal ? : « Cela dépend du moment de consommation. Comme je suis un enfant de la Côte des Blancs, j’apprécie beaucoup les chardonnays très racés mais je n’ai rien contre des 100 % meunier avec une belle fraîcheur, très droits, peu évolués et peu dosés. J’aime les champagnes comme des bonbons acidulés qui explosent en bouche et donnent envie d’y revenir tout le temps.
Pour le côté gastronomique, j’aime bien également les vins passés en fût mais pour moi, il faut toujours que la complexité et la richesse soient compensées par la vivacité et la fraîcheur ; je me lasse assez vite des champagnes trop vineux qui enrobent le palais. »
Charles-Henri le sait mieux que personne, le métier de vigneron est une école de patience, de confiance et d’humilité. « Le travail en cave offre une double face : c’est extrêmement motivant mais aussi un peu angoissant. Comme je suis assez technique et cartésien, j’aime bien contrôler ; or, quelques fois l’évolution du vin échappe à ce contrôle. En cuve, cela peut te sembler fermé, et trois semaines après c’est bien mieux sans que tu saches vraiment pourquoi. Il y a cette part de mystère qui est assez déroutante, remarque-t-il. Mais dans notre terroir, on peut s’appuyer sur une trame de fond solide, on est moins dépendant du millésime et on exprime une identité forte. »
Côté viticulture, le Vertusien est engagé depuis de nombreuses années dans la préservation de l’environnement, une démarche qui aboutit à la certification bio de son domaine en 2020. Cette même année, il même une expérience avec un groupe d’agroécologie autour d’un protocole zéro cuivre, zéro souffre pour tenter de répondre à la problématique des interdictions de traitement dans le cadre des Distances de sécurité riverains (DSR). Il traite alors deux parcelles dédiées avec de la vitamine C, du fructose, des extraits de pépin de pamplemousse, des oligo-éléments, du silicium, du vinaigre de cidre, le tout appliqué le soir pour éviter l’interaction avec les UV. « Par rapport aux parcelles témoins cela a très bien marché. Ce sont des pistes intéressantes à étudier. Il nous faut utiliser le moins de produits possible tout en préservant notre modèle économique, donc nos rendements. Nous n’avons pas le choix ; il faut savoir s’adapter et être innovant. »
Article issu de la Champagne Viticole. Retrouvez tous leurs portraits en cliquant ici.