Champagne Gautherot : avec Zoé et Eva, la relève a du peps
Le renouvellement de générations est bien engagé au Champagne Gautherot, à Celles-sur-Ource, où Zoé et Eva prennent la suite de leur père François, poursuivant l’aventure avec son associé de longue date, Christophe Fumey. La structure évolue et l’équipe dirigeante se fixe pour objectif de retrouver un niveau de ventes annuel autour de 100 000 bouteilles afin d’obtenir le meilleur équilibre possible et rembourser les crédits liés à la reprise de 38 % des parts par les deux jeunes femmes. Une ambition mesurée qui permet de préserver l’esprit de la maison, articulé autour d’un triple B : bien, beau, bon. Pourquoi, en effet, l’excellence se limiterait-elle au triple A, cher aux agences de notation financière ? Ici, c’est l’humain et la quête d’un environnement sain qui comptent avant tout.
Depuis le 1er janvier 2022, François Gautherot est officiellement en retraite. S’il a davantage de temps pour assouvir ses passions autour de l’histoire, des objets rares, de la lecture et de la nature, le vigneron-chineur n’en demeure pas moins toujours actif quand il s’agit d’aider ses filles Zoé,
28 ans, et Eva, 24 ans. Il s’y emploie avec toute la bienveillance et les compétences – engrangées au cours de décennies de travail et d’observation – qui le caractérisent. Les jeunes femmes incarnent la douzième génération et elles entendent, chacune avec leurs expériences et leurs aspirations, poursuivre une saga familiale débutée en… 1695. La succession est assurée.
Arbre généalogique à l’appui, au gré des informations distillées par leur père, elles mesurent combien leurs aïeux en ont bavé avant que la viticulture ne devienne florissante dans la Côte des Bar. François a fouiné dans les archives, y compris celles de Dijon, pour retrouver la trace des ancêtres et mettre un prénom sur le pionnier des Gautherot vignerons : il s’appelait Robert. Elles savent donc parfaitement d’où elles viennent et où elles vont, bien décidées à élargir une clientèle essentiellement composée de particuliers à ce jour. Sans remettre en question ce socle, évidemment.
Un vignoble certifié Terra Vitis, HVE et VDC
En cette belle année 2022, elles ne devraient pas trop avoir de difficultés pour produire les 10 000 cols supplémentaires permettant à l’entreprise de réatteindre le seuil des 100 000 bouteilles expédiées. Leur vœu est que cela devienne la vitesse de croisière à l’avenir. « C’est beaucoup, mais pas trop à la fois. C’est nécessaire pour amortir la reprise », glisse Eva, débordante d’énergie et pressée de trouver sa place dans la nouvelle organisation d’une maison ayant opté pour un statut de négoce. « Un négoce purement intrafamilial », indique François en répétant avec une certaine fierté que ses filles sont « courageuses » de se lancer dans le défrichage de nouveaux marchés.
Il sait que, pour ce faire, elles ne remettront pas en cause les fondamentaux d’un domaine de 12 ha qui a fait de l’environnement, avec la qualité des produits, une de ses grandes priorités. « À une époque, on me traitait de “vigneron écolo”, mais ce n’était pas vraiment pour me flatter », sourit-il, en précisant que le simple respect des règles en vigueur et des pratiques de bon sens (zéro désherbant chimique, 0 % de CMR, priorité aux produits naturels, choix de partenaires locaux…) conduisent à une viticulture raisonnée. Lui avait fait le choix de la certification Terra Vitis. « Je passais mon bac quand papa l’a obtenue. Quand je suis arrivée, il m’a mise directement dans le bain en me confiant pour mission d’ajouter HVE et VDC à nos certifications. Ce que j’ai fait volontiers, sachant qu’il faut aller toujours plus loin dans nos progrès environnementaux, même si nous faisons déjà beaucoup. Ne pas déglinguer ce qui nous entoure, à commencer par la nature, c’est vital à nos yeux », affirme Zoé.
Avec Eva, elle veillera pareillement au maintien de la reconnaissance de l’excellence accordée aux cuvées de la maison depuis longtemps distinguée par des médailles dans les plus grands concours. Sur ce point, 2022 aura été une année record puisque le Champagne Gautherot a glané neuf médailles, dont sept en or aux Vinalies internationales, au Concours général agricole de Paris, aux concours Elle à table et Terres de Vins. La huitième cuvée de la maison, un blanc de noirs (100 % Pinot noir) inédit dans son genre, tentera de faire aussi bien que la délicate cuvée Notes blanches (80 % Pinot blanc, 20 % Chardonnay) issue d’un travail parcellaire réalisé sur la contrée « Les Côtes ». François y a bichonné les plus vieilles vignes de la maison et la jeunesse en tirera encore le meilleur du fruit avec attention et respect de travail bien fait. Pour le beau et pour le bon !
Deux filles aux parcours et aspirations complémentaires
Depuis l’enfance, et durant leurs études, Zoé et Eva n’ont jamais rechigné à venir participer aux travaux de palissage et aux vendanges durant leurs vacances et week-ends. Au contraire, elles se plaisent à oeuvrer dans les vignes à apprendre aux côtés des sages de la maison. En 2018, Zoé a intégré la structure après avoir décroché une licence en gestion des entreprises option PME et un master en marketing du luxe et du packaging. « Depuis mon installation, ces formations me sont utiles pour la gestion et le commerce. Pour être au point sur le volet technique, j’ai préparé le BPREA à Saint-Pouange, où l’on m’a demandé ensuite de venir donner des cours de marketing. Cela fait drôle de passer d’élève à prof, mais c’est intéressant pour rester au fait des évolutions, notamment juridiques et administratives. Cela me sort le nez du guidon », note l’aînée qui est maman d’une fillette de trois ans, Salomé.
La cadette, Eva, vient d’embrayer en allant préparer son BPREA à Beaune, de manière à être elle aussi au top quand elle rejoindra l’équipe et apportera sa contribution. En 2021, Eva, « passionnée par le vin », a été diplômée à Bordeaux d’un master en vins et spiritueux. Elle a pris la décision de revenir en Champagne, sur les terres familiales après avoir bourlingué sur la planète, de l’Afrique du Sud aux États-Unis, en passant par l’Espagne et d’autres pays plantés de vignobles. « Maintenant, je ne me vois pas repartir ; il y a tant à faire ici. Je souhaite apporter mon énergie sur le terrain, c’est-à-dire en production et au commerce. Nous voulons diversifier nos marchés et cibler davantage les professionnels. Pour cela, nous ferons des salons », s’enthousiasme Eva, déjà prête à embarquer pour Séoul pour développer l’export. « Nous avons déjà des débouchés intéressants au Japon : nous espérons accentuer nos ventes en Asie ». En février, les deux soeurs seront ensemble pour participer à Wine Paris 2023. Avec leurs compétences et leur peps, elles ne devraient pas avoir trop de mal à transformer des prospects en nouveaux clients.
Ancrage et fidélisation de l’équipe
« Nous avons constitué une bonne équipe de salariés permanents ayant tous été formés en interne. Ils sont très impliqués, efficaces et autonomes », se réjouit François Gautherot en soulignant une réussite supplémentaire – « leur fidélité à la marque, qui les conduit à nous amener des clients dès qu’ils en ont l’opportunité ! ». Alors que l’on sait les difficultés aujourd’hui rencontrées dans le vignoble en matière de recrutement.
« Ils sont tous polyvalents, mais chacun a pu développer une spécialité en fonction de ses affinités. Marcel privilégie le job de tractoriste ; Johnny s’affaire en caves ; Céline a pris en main la nouvelle machine d’habillage et prépare les expéditions. Entré dans la maison par la voie de l’apprentissage, Logan (fils de Marcel) s’inscrit dans le sillon de son père. Au bureau, Juliette s’occupe de l’administratif, du relationnel client et apporte sa contribution à l’animation des réseaux sociaux. Je l’alimente en photos et notes au gré des saisons et des diverses opérations que nous menons, et hop ! », détaille Zoé, heureuse de pouvoir s’appuyer sur de tels équipiers et également sur des saisonniers possédant le même « esprit d’entreprise ».
« Notre père a instauré une relation basée sur la bienveillance, le respect d’autrui, tant envers le personnel qu’envers la clientèle. C’est essentiel. Avec Eva, nous n’y dérogerons pas car c’est ‘juste normal’ que de proposer un cadre et des conditions de travail agréables », précise la co-gérante en n’omettant pas d’évoquer le rôle-clé tenu dans cette transition par l’autre cogérant, Christophe Fumey. Celui qui était associé à François Gautherot enchaîne avec les deux filles jusqu’au jour où il lui faudra à son tour penser à la retraite. « Nous avons encore un peu de temps devant nous… Nous avons la chance de pouvoir bénéficier des conseils de celui qui est notre chef d’orchestre, à la fois chef de culture et chef de cave », expliquent Zoé et Eva en louant le sens inné de la pédagogie de Christophe. Grâce à lui, au quotidien, elles vont continuer de grandir dans le métier.
Si l’équipe en place est bien ancrée au cœur de la maison celloise, c’est aussi parce que, d’un point de vue organisationnel, les exploitants ont fait le choix de créer un groupement d’employeurs, lequel « permet d’occuper tout le monde toute l’année ». « Nous sommes cinq membres au sein de cette association : les exploitations respectives de Christophe, de notre tante Véronique, de Zoé et d’Eva (5 hectares chacune) et la SARL de champagnisation. C’est grâce à cette approche collective que nous pouvons assurer aux employés des postes en CDI. Tout le monde y trouve son compte », estiment les responsables de Champagne Gautherot, unanimes.
Article issu de la Champagne Viticole. Retrouvez tous leurs portraits en cliquant ici.