Benjamin Muller, enraciné dans la coopération
Pour Benjamin Muller, l’engagement coopératif est une histoire de famille. Son arrière grand-oncle, son arrière-grand-père, son grand père et aujourd’hui son père ont joué des rôles majeurs dans la coopérative Mailly Grand Cru. La mutualisation, l’entraide, la recherche de la qualité et le respect de l’environnement sont constitutifs de son ADN de vigneron coopérateur.
« Paradoxalement, être adhérent d’une coopérative rend le vigneron particulièrement libre et indépendant. Il peut livrer son raisin, récupérer des bouteilles pour développer une activité commerciale ou bien travailler collectivement pour une marque. C’est la grande force de la coopération de pouvoir conjuguer les talents », explique le vigneron presque trentenaire.
Baigné depuis sa prime enfance dans ce qu’il aime appeler « la mer de vignes » qui borde son village, Benjamin a choisi d’entrer dans la profession viticole par le côté commercial.
Après un BTS Vin et Spiritueux et une licence pro commercialisation à l’international des Vins et Spiritueux, il part aux USA parfaire son anglais et développer le catalogue de champagnes d’un importateur.
Il rentre ensuite au pays et travaille comme commercial export pour un vigneron. « En fait, je ne faisais pas que du commerce, je travaillais également en cave et à la vigne. L’idée de rejoindre le domaine familial pour prendre la suite de mon père s’est alors imposée à moi », raconte-t-il.
En plus de la gestion du domaine de 11 hectares plantés principalement de Pinots noirs qui alimente exclusivement Mailly Grand Cru, Benjamin mûrit un projet de bar œnotouristique qu’il envisage d’installer dans un bâtiment attenant à la maison familiale.
L’humain au centre de nos pratiques
On trouve souvent dans l’histoire des vignerons deux voies archétypales : ou c’est le travail de la vigne qui amène au vin ou à l’inverse l’amour du vin oblige à s’intéresser au moyen de production. Pour Benjamin Muller, c’est clairement son goût pour les bulles qui l’a conduit dans les vignes. « Là encore, c’est une histoire de famille. Quand j’étais petit, j’avais de temps en temps le droit de goûter dans la flûte des parents et puis plus tard, de dégustation en dégustation, j’ai construit ma culture du vin. Je pense toujours que les arômes du vin nous renvoient à des souvenirs d’enfance, à des saveurs apprises très tôt. C’est beaucoup plus sensoriel et subjectif que technique, c’est comme cela que j’aime parler des champagnes aux clients », explique le vigneron.
Ses vins préférés ? « En ce moment j’ai une grande passion pour les blancs de Loire en Chenin et également les blancs du Rhône. J’aime les vins de caractère qui expriment leur terroir avec un côté fumé et une grande longueur, explique-t-il. Et pour les bulles c’est pareil, j’ai un penchant pour les vieux champagnes de Pinots noirs avec des notes de noix ou de champignons. »
Par ailleurs, il se réjouit de l’évolution des consommateurs qui considèrent de plus en plus le champagne comme un vin de gastronomie et plus seulement comme bulles de fêtes. « Lier le champagne et la gastronomie est le bon axe de communication pour l’avenir de notre vignoble », affirme-t-il.
Peu intéressé par la vinification, le système coopératif permettant de déléguer des aspects du métier à d’excellents professionnels, Benjamin avoue une passion certaine pour le travail de la vigne. « Sans beaux raisins, il n’y a pas de bon vin, remarque-t-il. J’aime travailler mon sol, cultiver les particularités de mon terroir dans le plus grand respect de l’environnement. »
Il réserve d’ailleurs plusieurs parcelles dans ses vignes pour tester différentes méthodes : des couverts végétaux, des traitements biologiques, des décoctions ou encore différentes façons d’enherbement.
« Je suis très sensibilisé à l’innovation. Je pense que notre avenir passe par un savant dosage entre notre savoir-faire traditionnel et la technologie. L’humain restera au centre de nos pratiques mais la machine intelligente comme l’exosquelette, certains types de robots ou les outils connectés d’aide à la décision seront à terme des aides précieuses notamment pour réaliser nos objectifs environnementaux », estime Benjamin qui réfléchit dès lors à planter des parcelles de Voltis, la nouvelle variété résistante récemment inscrite au cahier des charges de l’AOC.
Le lieu historique de la mutualisation
Il rappelle également que la coopérative Mailly Grand Cru a été la première à obtenir les certifications VDC et HVE, résultat d’un engagement collectif de plusieurs années. « J’apprécie particulièrement la dynamique de la coopération, où les adhérents s’impliquent pour faire évoluer les pratiques vers plus de modernité. Entre adhérents on cultive les notions d’entraide, de partage et de solidarité. C’est vrai que l’image des coops n’a pas toujours été très bonne, mais les choses ont bien changé et nous prouvons maintenant à chaque dégustation l’excellence de notre production. »
Pour Benjamin, le système coopératif est au cœur de la modernité. « On constate que la question des Cuma est de plus en plus d’actualité. Mais historiquement la coopérative est le lieu de la mutualisation. Pour les coopérateurs, l’entraide et le partage sont une évidence. Au fond, cela ressemble à une exploitation familiale. » Cette solidarité s’exprime particulièrement dans les actions collectives comme les prospections jaunisses ou encore les opérations de confusion sexuelle. De même les adhérents de Mailly Grand cru se relaient à tour de rôle pour tenir le magasin les week-ends. « Pour les jeunes qui s’installent comme moi, être coopérateur c’est très réconfortant. »
Quand il ne travaille pas dans ses vignes ou pour ses projets de commercialisation, Benjamin consacre du temps à l’action syndicale. Membre du Groupe de Jeunes du SGV et président du Groupe Avenir Coopératif qui regroupe les jeunes coopérateurs de Champagne, il plaide pour insuffler l’esprit d’entraide et de mutualisation dans les différents rouages vitivinicoles. « Le SGV peut s’appuyer sur les coops pour communiquer à l’ensemble des vignerons. C’est le lieu naturel et historique du vignoble dans les villages », plaide-t-il.
Pareillement sur la question du foncier : « La coopérative devrait être un interlocuteur à privilégier quand il s’agit de vendre des parcelles. La terre doit rester au maximum au vignoble et en ce sens, la coopération constitue un axe de défense majeur du modèle des exploitations familiales. »
Article issu de la Champagne Viticole. Retrouvez tous leurs portraits en cliquant ici.